Pour son premier film, Lise Maussion a choisi le quartier des Neiges

  • lehavre.fr : Vous n’êtes pas originaire du Havre et pourtant vous avez choisi d’y tourner un film. Pourquoi ?

Lise Maussion : Mon compagnon et moi animons une compagnie de théâtre qui a été amenée à jouer au Havre dans le cadre de sa tournée. Nous avons décidé de quitter l’Ardèche, où nous vivions et créions, pour bousculer nos repères et sortir de notre zone de confort. Nous avons été happés par l’ambiance portuaire et, habitant dans le quartier de l’Eure, j’ai été attirée par Les Neiges, un quartier qui me semblait mystérieux, inaccessible. Mon attirance était teintée d’une appréhension que j’avais du mal à expliquer.

  • lehavre.fr : Est-ce cette peur qui vous a guidée ?

L.M. : C’est à la fois plus simple et plus compliqué. Simple parce que tout s’est fait naturellement et avec fluidité. Plus complexe car Le Havre m’a toujours envoûtée et j’ai du mal à expliquer la relation étrange qui me lie à cette ville qui m’aimante physiquement et mentalement. Tout cela me dépasse. Ce que je sais, c’est que j’y ressens une mélancolie qui colle bien à ma personnalité, et qu’il n’y a pas de meilleur endroit pour répondre à mon obsession de l’eau : une ville construite sur des marais, entourée d’eau, d’où jaillissent des lumières et des reflets fabuleux.

  • lehavre.fr : Mais alors pourquoi Les Neiges plutôt qu’un quartier en bord de mer ?

L.M. : C’est vrai, l’eau n’est quasiment plus accessible aux Neiges, les espaces maritimes étant occupés par les installations portuaires. En revanche, mon ressenti par rapport au Havre s’incarne parfaitement dans ce quartier où je me sens au plus près de ce que porte la ville. Le rapprochement a donc été naturel.

  • lehavre.fr : Et vous avez surmonté vos peurs…

L.M. : Je tremblais lors de mes premières incursions. J’avais aussi conscience des complexités du quartier, des guerres intestines, des méfiances. J’ai donc avancé avec prudence, sur des œufs. J’ai été accueillie avec bienveillance et simplicité. Au cours de ces rencontres sincères, j’ai ressenti que j’étais là où je devais être, dans le moment présent. De ces témoignages est né Cœur de Neige car j’ai vraiment touché du doigt la chaleur intense qui émane du cœur de ce quartier.

  • lehavre.fr : Votre film reste-t-il une fiction ?

L.M. : J’ai d’emblée expliqué aux habitants que je n’entendais pas réaliser un documentaire. Le film se nourrit d’histoires fascinantes que m’ont racontées les doyens, sur un quartier ressurgi des cendres après la guerre et où des destins, un réseau et une solidarité se sont reconstruits. J’ai vécu Les Neiges à travers toutes ces paroles que j’ai ensuite transmises aux comédiens du film. Le personnage du cantonnier illustre bien cette osmose propre au quartier, entre le passé et le présent.

  • lehavre.fr : Quelles réactions attendez-vous de la part des habitants ?

L.M. : J’ai déjà proposé une projection l’été dernier à la salle des fêtes, le film n’étant pas encore dans sa version finale. Ce fut un moment très sensible, vécu dans le respect et une certaine timidité. Beaucoup ont été touchés, voire enchantés. Depuis, le film a été monté et étalonné, les différentes étapes se déroulant de manière fluide, comme un poème. J’espère que la (re)découverte de Cœur de Neige, dans les conditions du cinéma, parlera aux Havrais et leur fera saisir mon amour fou pour Les Neiges.