Quarante-huit personnalités havraises se livrent dans un questionnaire de Proust

  • lehavre.fr : Depuis combien de temps écrivez-vous ?

Sophie Guillaume-Petit : Avant de devenir auteure, j’ai parcouru le monde entier en tant que guide-conférencière. Cela fait une dizaine d’années que j’écris des livres. Je me suis spécialisée dans le régionalisme et j’ai commencé par écrire des guides de voyage. Ces dernières années, je me suis beaucoup intéressée au Havre. C’est une ville à laquelle je suis très attachée. Pour Récréation littéraire, j’ai interrogé quarante-huit personnalités havraises par un questionnaire de Proust.

  • lehavre.fr : Tous vos interlocuteurs ont répondu à ce questionnaire. Quel est le principe ?

S. G.-P. : Un questionnaire de Proust, c’est un album de confessions. Au départ, c’était un jeu anglais auquel toute la jeunesse dorée aimait jouer. Ce n’était pas pour tout le monde. C’est dans le carnet d’anglais d’Antoinette Faure, fille de Félix Faure, que l’on a retrouvé le premier questionnaire rempli par Proust à 16 ans. Il était déjà très cultivé, ses réponses étaient quand même assez particulières. Par exemple, l’idée de la misère, pour Proust, c’était « être séparé de maman ». Ce cahier a été retrouvé par hasard dans un grenier par André Berge, le fils d’Antoinette Faure. Bernard Pivot a remis le concept au goût du jour dans son émission littéraire Bouillon de culture, dans les années 90. Récréation littéraire, c’est une manière d’aborder ce questionnaire avec une certaine légèreté. Il faut que ce soit un vrai moment de divertissement. J’ai pensé que c’était une idée originale, quelque chose qui sortait de l’ordinaire, c’est aussi ça qui m’a motivée.

  • lehavre.fr : Comment avez-vous procédé pour recueillir les témoignages ?

S. G.-P. : Tout s’est réalisé par téléphone. Le défi, c’était de réussir à tous les contacter. Certains étaient plus difficiles à approcher que d’autres. Le confinement a tout de même facilité les choses, les gens étaient plus enclins à répondre à ce genre de questions. Dans l’ensemble, ils se sont tous prêtés au jeu, et y ont répondu comme s’ils avaient 16 ans. Honnêtement, c’est un exercice compliqué. C’est très dur de répondre spontanément, sans y être préparé. Ils avaient bien sûr le droit à un joker, ils pouvaient répondre plus tard dans la conversation, ou même revenir sur leurs réponses.

  • lehavre.fr : Comment avez-vous choisi les quarante-huit personnalités ?

S. G.-P. : J’avais la liberté totale de les choisir. Je voulais que ma sélection soit variée, que ce ne soit pas uniquement des écrivains ou des comédiens. Pour la plupart, c’était des personnes que je connaissais de nom, ou que l’on m’a fait découvrir. Une chose est sûre, elles sont toutes nées ou attachées au Havre. Il y en a certaines que je n’ai pas réussi à contacter. J’aurais aimé inclure plus de sportifs et sportives par exemple, pourquoi pas des handballeuses.

  • lehavre.fr : Parmi toutes ces réponses, lesquelles avez-vous préférées ?

S. G.-P. : Je ne saurais pas dire. Il y a beaucoup de réponses qui m’ont touchée. Certaines m’ont fait sourire, même rire. Ça pouvait être très drôle, il y avait beaucoup d’autodérision. C’était parfois aussi émouvant. On rentre un peu dans leur intimité, il y a plein de choses à apprendre sur les autres. Ce qui les a tous reliés, c’est leur spontanéité et leur sincérité. Là, ils ont été très naturels, il y avait de jolies réponses. Je pense notamment aux gens locaux, qui sont moins rompus à l’exercice que les personnes célèbres. Ça a été une bonne expérience pour moi aussi. C’était la première fois que je travaillais véritablement avec des gens. Ici, on peut vraiment parler d’un patrimoine humain.

  • lehavre.fr : Cette année, c’est le centenaire de la mort de Marcel Proust. Récréation littéraire, c’est comme une sorte d’hommage ?

S. G.-P. : En réalisant ce livre, j’ai interrogé des personnes de 18 à 98 ans. Je me suis rendu compte qu’il n’était finalement pas connu de tous. Le questionnaire en lui-même n’est pas si célèbre que ça non plus. En tant qu’havraise, c’est une vraie fierté que le premier questionnaire de Proust, tel que nous le connaissons, ait été écrit ici. Quarante-huit personnes qui y répondent, l’année du centenaire de sa mort, je trouve que c’est un bel hommage venant des Havrais.